Interview de Nicolas Guérin, Directeur Juridique du Groupe France-Télécom Orange, et Jean Luc Chalhoub, Directeur Juridique des Partenariats Stratégiques du Groupe, en charge de l’animation internationale de la filière juridique.

Confrontée à un marché en évolution permanente, à l’internationalisation de ses activités, mais aussi à différentes crises qui ont traversé le secteur et l’entreprise ces dernières années, la Direction Juridique du groupe Orange a dû réagir et s’adapter. Une de ces réactions a consisté à reprendre en main la gestion de la filière juridique « par et pour » les juristes. Cette dynamique reposant sur un partenariat fort avec les RH, s’est traduite par la mise en œuvre de différents programmes de management et notam-
ment la mise en place de programmes innovants. L’un d’entre eux a rencontré un succès particulier auprès des juristes, il s’agit de notre programme de Talent sharing.

Ce programme déployé en France et à l’international, permet de sélectionner chaque année une dizaine de juristes (sur 20 dossiers de candidatures reçus) et de leur proposer, pendant au moins 3 mois, d’apporter leur expérience et leur expertise juridique à un autre département juridique du Groupe.

En quoi votre projet s’inscrit-il dans une rupture avec un management classique de la fonction juridique ?

Nous ne connaissons pas de direction juridique dotée d’un programme équivalent. Il s’agit d’un vrai outil de « respiration » en ce sens que ce n’est pas un projet de formation, d’amélioration des process ou d’informatisation de bases de données, éléments qui sont déjà en place depuis plus de 10 ans au sein de la direction juridique Orange. Ici, nous avons voulu rompre avec les codes habituels de la gestion d’un service juridique et placer le juriste au cœur de ce dispositif en lui laissant l’opportunité de se prendre en main et de rompre le rythme quotidien de sa carrière sans pour autant s’exposer.

Votre programme permet-il de valoriser le travail de la direction juridique auprès des autres directions du groupe ?

Certainement, c’est un excellent outil de promotion qui montre de façon très concrète le dynamisme des juristes qui n’hésitent pas à rompre leurs habitudes et leur façon de travailler afin de découvrir d’autres cultures et expertises. L’amélioration de la fluidité des échanges et la notion de véritable réseau de juristes qui se connaissent, est quelque chose de très visible au sein des autres départements du groupe Orange. Véritables ambassadeurs de leur département voire de leur pays, les juristes envoyés en talent sharing contribuent par leur présence à améliorer la connaissance par l’ensemble du groupe de l’organisation et du rôle de la direction juridique. A leur retour dans leur entité d’origine ils sont en mesure de faciliter les relations entre les entités de notre groupe par les connaissances qu’ils tirent de leur expérience. Dans un groupe comme le nôtre de plus de 170 000 personnes et dans lequel la fonction juridique réunit 734 personnes implantée dans plus de 40 pays, de tels échanges sont un excellent moyen de renforcer l’idée d’appartenance et de fluidifier les échanges et la collaboration entre les juristes.

Pourquoi votre programme facilite-t-il la gestion des carrières et la mobilité des équipes ?

L’outil a contribué à dynamiser la fonction juridique et permis d’adapter efficacement les ressources aux besoins. Ainsi, en deux ans, et l’expérience des Talent Sharing aidant, près de 20% de nos juristes ont effectué une mobilité volontaire. Le Talent Sharing permet également aux juristes de s’épanouir individuellement. Il répond à ce besoin des juristes de progresser, d’approfondir leurs connaissances (linguistiques ou techniques voire opérationnelles), de se sentir valorisé par leur managers et leurs pairs. C’est donc un formidable outil de fidélisation des juristes qui sont accompagnés très pratiquement dans leur réflexion de mobilité à l’intérieur du groupe : ils découvrent de fait comment travaillent les autres départements juridiques pendant une période d’immersion de 3 mois minimum et réalisent très concrètement si cela correspond à leurs souhaits de progression en entreprise. La sécurité que représente pour le juriste, la possibilité de réintégrer son département à l’issue de la période d’immersion est clairement un facteur de réussite de notre programme. De fait cette opportunité au milieu d’autres programmes de respiration mis en place réduit le nombre de départ du groupe et fidélise les juristes.

Comment mesurez-vous le gain en efficacité de vos juristes ?

D’abord via les retours de nos juristes qui ont pu bénéficier de ce programme mais aussi de ceux des équipes qui ont accueilli ces juristes. On évalue également cette efficacité via le remarquable dynamisme de nos juristes dans la gestion de leur carrière, la mobilité ne fait plus peur, on n’hésite plus à donner une nouvelle orientation à sa carrière.
Mais aussi et surtout dans l’amélioration significative du fonctionnement de notre direction. Cette démarche en facilitant la relation entre les entités a servi de ciment de socle au développement d’autres programmes. Cette relation s’est « institutionnalisée », elle ne repose plus seulement sur la bonne entente entre les individus mais sur des structures et évènements récurrents. Nous avons pu créer des General Counsel meeting réunissant les directeurs juridiques des pays tous les deux mois pour échanger sur nos dossiers et sur l’animation de la filière. Des clusters réunissant les juristes de différents pays ont pu être mis en place pour améliorer nos pratiques et nos expertises sur les grands sujets de l’entreprise. Ce ne sont que quelques exemples des conséquences concrètes qui montrent l’efficacité de ce programme de cette idée toute simple et pourtant peu pratiquée à notre connaissance au sein des directions juridiques.

Si vous deviez nous donner un chiffre relatif à votre projet, lequel choisiriez vous ?

J’en choisirais deux en fait qui montre que ce programme est à la fois une réussite pour nos juristes mais aussi pour l’entreprise : 100% de juristes satisfait pour ceux qui ont pu participer à ce programme et 20% de mobilité volontaire de nos effectifs en deux ans.

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